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ARNAUD DUMOND, guitariste et compositeur

 

"Il fut un temps où j’eus l’immense honneur d’entendre quelques de mes pièces chorales dirigées, disséquées, parfois appréciées (ma Messe notamment) par Maurice BOURBON, auteur par ailleurs de deux Messes passionnantes, et d’une "Déploration de Josquin » de déchirante beauté. 

 

De longues années plus tard je reçois son livre-somme, lequel s’aparente aux quelques témoignages qui m'ont pu jalonner le «mystère» très concret du faire musical en d’autres domaines que le mien : «Le violon intérieur» de D.Houppenot,  "Les techniques pianistiques" de Gerd Kaemper, Bernstein, Monsaingeon... quelques rares autres. Dés lors en évoquer quelques retombées :

 

Tout ce qu’une création d’envergure impose de folie, voici que Maurice BOURBON en fournit les projets et résultats, la résolution. Ainsi tel accord, tendu, gros de désir, lourd de prière, s’abîme enfin dans le calme harmonique parfait.

 

Comme en toute sa carrière Maurice BOURBON fait de chaque détail un envoyé du centre, un messager du sens. Dans le chef d’oeuvre, disait à peu près Valéry, il n’y a pas de détail, tout concourt au Tout. 

 

Car tout, dans cet ouvrage d’à peine cent pages, puisque ne souffrant aucun remplissage, le prouve : le titre et son sous-titre, le matériau même du livre, son format unique, sa typographie, ses dessins parsemés, ses images et photos, sa structure, sa poétique enfin, puisqu’il défend une idée sonore de la musique quasi obsessionnelle mais qui en est le sens même, sa révélation, son destin. 

 

Mais BOURBON n’est pas de dogme. Mû par l’instinct de relativité absolue, ennemi de tout cliché, il pourrait souscrire à ce mot de JL Borgès : «Penser qu’une oeuvre est terminée tient de la religion, ou de la fatigue…» («Livre des préfaces»). 

 

Son oeuvre en effet nous enjoint de poursuivre, oblige l’avenir de chacun. Un souci tranquillement pédagogique donc, parfaitement abouti et rassurant, dont d’aucuns, connaissant le tempérament bouillonnant du Maître, pourront s’étonner. A moins de comprendre que Maurice BOURBON n'écrit pas pour se défendre d’on ne sait où (si, on sait ! ;-), ou pour prouver quoi que ce soit. Bien au-dessus de tout, là où le chant l’emporte, ce livre existe pour aider, pour aider sereinement. Accoucher, libérer, perdre, retrouver, recevoir, aider. Et avec joie et gourmandise !

 

Prenons le plaisir d’en citer quelques phrases, qui confirment royalement ce que nous pressentons depuis longtemps. La plus belle d’abord, l’indispensable : «Tout son correct est mobile, tout son immobile est fautif». 

 

Et d’autres encore : «Le premier professeur : le beau son. Sensations corporelles du beau son. Situation de confort». «Le danger pour certains est qu’il étudieront plus volontiers l’anatomie, science presqu’exacte et très concrète, …,  plutôt que l’acquisition des bonnes sensations, plus fugitives et impalpables». «La célèbre pose de la voix est simple à définir : c’est la mise en route de l’appui vocal, en toute liberté, sans aucune contraction intermédiaire». «Un accord est d’autant plus rond que la dynamique augmente depuis la basse jusqu’au soprano, comme une pyramide ».

 

Et plein de petits conseils « d’or » jalonnent l’ouvrage. Celui-ci, parmi cent autres : «Le choix d’un répertoire doit être guidé par l’envie, le goût, qui garantissent que l’interprète aura quelque chose à dire. Et non par opportunisme …où il n’aura pas forcément d’idée personnelles, seulement un format galvaudé à proposer». 

 

Révélations pressenties disais-je, parce que tout y est transposable pour un instrumentiste, si tant est qu’un travail non orienté aboutit à une carence durable pour nombre d’entr’eux : celle du «swing» (faute d’un autre mot introuvable) = la sensation exacte où doit tomber la note, ni trop tôt, ni trop tard, et dé-couvrir ce qui est en nous, ce qui est nous, donner l’impression de re-créer, et non de réciter… Est-ce de là, j’y songe pour la première fois, que viendrait le joli mot d’école : récréation ? Cet espace-temps où tout ce qui était tendu se détend, où le coeur libéré parle ?

 

Un livre pour les chanteurs mais que tout faiseur de sons se devrait de lire, un livre-monde où l’on devine que devenir musicien ne peut faire l’économie de la patienza, ce moule lentement façonné et où coulera parfois un beau jour - ou était-ce une nuit ? ;-), l’or devenu liquide…

 

Rien de commun ni de banal dans ce « Traité de chant et de direction chorale » : tout y est universel à force d’être singulier, "essayé en usine et livré clef en main", mais plus encore, mais surtout : suivez le parcours du texte : véritable parcours d’inventeur qui revient de loin, afin d’apporter la pièce manquante à l’anneau, afin d’assister au « fleurissement » harmonique. «Je cherche les notes qui s’aiment» aurait dit Mozart enfant. «Je cherche les voix, les souffles, qui se pénètrent» dit ici BOURBON, en quelque sorte.

 

Serait-ce cela le Paradis ?

 

Arnaud Dumond"

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